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de Tam: ma melacolie reprend (fin)

Il y a dans Voyage au Bout de la Nuit une scene ou la vieille grand mere aveugle fait visiter une crypte aux touristes ou ils peuvent voir des corps parfaitement conserves. La grand mere pousse son spectacle jusqu’a tapper sur les corps pour en demontrer la solidite. Dans le roman, la scene est assez drole et on se sent naturellement du cote de la vieille que tout le monde a voulu assassiner par dessus le marche (si mes souvenirs sont exacts, je n’ai evidemment pas le roman avec moi). C’est un bel exemple du talent poetique de Celine : mettre en scene une ancetre qu’on arrive pas a tuer qui tappe sur des cadavres en defiant la mort. Voila qui est bien legitime. Jusqu’au 19e siecle, au moment ou l’on a rejette les cimetieres en dehors des villes et qu’on a tout sterilise, on savait bien que la mort faisait partie de la vie. Shoko et moi, nous le savions aussi hier soir en suivant un cortege funebre pour retrouver notre chemin puisqu’il se rendait forcement a la cremation tout a cote de notre guest house. La vie quoi, avec ses singes et ses chiens errants, avec ses vendeurs et ses rickshows, avec ses touristes perdus, avec tout ce qui bouge et tout ce qui git, avec tous ceux qui passent leur tour, tot ou tard. Et en parlant de tour, mon bonhomme m’en aura joue un drole. Peut etre l’aura t il aussi joue a la mort avec sa barbe enfumee et ses draperies d’or qui sait. Longue vie a lui, ce vieux singe!

de Tam: Ma melancolie reprend

Hyerabad, la ville du bad, celle qui nous a fait reprendre la route du nord. Pourtant c’est de la que nait cette reflexion-ci. Au nord de la ville se situe un grand batiment moderne ou sont joues des spectacles Hindous. Je propose a Shoko d’essayer d’en voir un (quitte a s’en aller si on s’ennuie au bout de 2h puisque la duree moyenne est d’au moins 5h) et nous nous rendons sur place pour quelques renseignements. On nous explique alors dans l’anglais approximatif du coin que le prochain spectacle commence a 17h, ce qui ne nous arrange pas du tout. Nous voila en train de tergiverser avec le type de l’accueil qui a l’air surprise mais content de notre presence. Il nous montre des livres et des CD. C’est alors que je m’apercois que derriere une porte laterale on entend le resonnement des tambours accompagne d’une voix etouffee qui chante quelque chose comme un psaulm. Parfois une personne entre ou sort et, le temps de l’ouverture de la porte, le son se clarifie et on entrevoit une scene coloree. S’apercevant de mon interet, un homme, m’invite a y entrer. Dans la penombre se devoile une salle comble devant une scene sur laquelle une dizaine d’”acteurs” en costume traditionnel executent une sorte de rituel autour d’une statue ornee de fleurs jaunes. De temps en temps le public reagit effectuant quelques movement des mains. Shoko me rejoint et bientot un Indien insite pour nous trouver des places assises, chose genante mais impossible a refuser devant l’insistance du personage. Nous assistons donc a la fin du spectacle confortablement assises dans les sieges profonds du theatre. Bien sur, tout ce qui se produit sur la scene nous est etranger mais nous passons un joyeux moment a ecouter la musique et a observer les reactions des gens. Parfois l’envie me prend de tapper dans les mains avec eux mais je me retiens : le tempo, j’y arrive a peu pres, le contre-temps des caves de jazz et des gospels new-yorkais, c’est deja tres difficile mais alors les phrases rythmiques des Indiens c’est de l’ordre de l’impossible. Je me contente d’ecouter. A la fin, les gens se levent, les femmes devoilant ainsi leurs saris de soie des grandes occasions et les homes leurs coupes de cheveux toutes fraiches. Tout ce petit monde se met en file (oserai-je le preciser “indienne”). Shoko et moi nous appretons a gagner la sortie lorsque plusieurs personnes nous invitent a rentrer dans la queue devant elles pour partager la nourriture benie. En effet, quelques metres plus loin deux bols, l’un de riz epice, l’autre de riz sucre au safran, nous sont tendus avec un sourire. L’experience finit malheureusement avec un pseudo ingenieur informatitien qui nous tiens la jambe puis pretexte avoir perdu son portefeuille dans le bus pous nous reclamer 50 roupies soi disant pour prendre le bus (somme avec laquelle il pouvait faire au moins 3h de route en dehors de la ville). A ce detail pres nous sommes ravies d’avoir partage ce moment de culture dans un echange joyeux et gratuit.
L’espace du theatre est un espace particulier, c’est la que la culture s’englobe elle-meme, a la fois presente et representee, sa mise en abime revoit a des significations qui sont l’espace prive de ceux qui la partagent. Le theatre espace public de celebration a symbolique forte et universelle permet d’acceder un tout petit peu a l’espace prive par l’occurance d’une celebration unique vecue individuellement autant que collectivement qui fait partie du spectacle mais n’est pas le spectacle. Ces espaces qui englobent d’autres espaces, ces lieux codifies qui renvoient aux significations d’une culture, Foucault les appelle des heterotopies. Parmi celles-ci on connait egalement le cimetiere.
A Varanasi, les cremations me ramenent a cette pensee. A distance, nous observons les grands brancards drapes de tissus colores descendre vers le fleuve et les flames. Le bon vieux guide du routard donne quelques informations sur la ceremonie et tandis que je m’apprete a le sortir pour lire les quelques lignes concernant ce spectacle a Shoko, un homme nous annonce qu’il ne faut pas prendre de photos. Un peu enervees puisque c’est la sixieme fois qu’on nous le dit et qu’on n’est pas idiotes a ce point, nous repondons un peu sechement. Le monsieur qui semble touché par ce ton agressif nous explique qu’il est desole mais que ca fait partie de son travail de veiller sur le lieu, qu’il transporte du bois pour les buchers. Il ajoute qu’il prefere expliquer les fonctionnement des choses aux touristes pour que ceux-ci soient respecteux et qu’il ne demande pas d’argent puisque c’est son boulot. Il donne alors tout un tas de details tres interessants sur le systeme et je l’en remercie a la fin du speech. Il finit naturellement par ajouter qu’il achete du bois pour les pauvres et que je peux acheter un ou deux kg chaque kg coutant 150 roupies. Shoko qui depuis le debut ne cache pas son scepticisme me lance un regard reprobateur. J’hesite et si j’avais bien reflechi je me serais souvenue qu’il existe des incinerateurs electriques pour les pauvres. Mais j’ai naturellement du mal a soupconner les gens et se servir des pauvres et des morts pour grapiller quelques roupies me parait un tel crime que je donne 50 roupies au bienfaiteur Je finis de me justifier en songeant que l’histoire etait bien racontee. Le type reclame un peu plus puis s’en va devant mon refus. J’ouvre le guide qui naturellement me mettait en garde contre ce genre d’arnaques et precise le prix du bois, bien inferieur a celui annonce, a moins bien sur que notre homme pousse la charite jusqu’a offrir du bois de senal aux defavorises. Quelle idiote! Je me calme en fixant rageusement les flames devant moi, soudaienement devenues les flames de l’enfer devorant avidement mon voleur et menteur. Mais je suis egalement prise d’une tristesse plus profonde. Shoko dit qu’elle est triste pour le bonhomme qui en arrive la. Je crois que c’est autre chose. C’est le sentiment effrayant qu’avec nos gueules pales et notre curiosite insatiablem on est en train de pourrir quelque chose. En se promennant le long de l’eau notre spectacle est sans cesse interompu par des vendeurs de tous genre. Mais “spectacle”, le mot est bancal. Ce n’est pas un spectacle a moins d’en faire celui auquel, comme au theatre, le public participle. Nous voudrions observer comme si notre presence ne changeait pas le paysage. Nous modifions sa vision bien sur, nous modifions sa valeur, nous modifions son economie. En quoi cela est-il mauvais? se demandera-t-on. Il a change au cours des siecles et il changera encore. Nul besoin d’etre conservateur a l’extreme. Non, ce qui me gene c’est dans le patrimoine qu’on le retrouve. Sa force est d’echapper a l’economie du present. Le present doit servir a resignifier l’heritage du passé et a le transpettre vers l’avenir. Lorsque l’economie du present (le type qui veut arnaquer les touristes) prend le pas sur la puissance patrimoniale d’une tradition (le respect de la mort), c’est le moment ou ce role de passage s’affaiblit. Que cet homme m’arnaque, c’est vexant, qu’il trahisse les siens, c’’est effrayant.

Tamara says

🙂 pour No : Qu’on ne m’accuse pas de me contredire (je reconnais volontiers ce travers mais il ne s’applique pas presentement), ceci est un texte fini integre dans un blog.

A Bombay, il a une arche qui s’appelle Gateway of India, la porte de l’Inde, inauguree en 1924 pour l’arrivee du roi d’Angleterre, une date qui correspond au debut de la marche pacifique de Ghandi. Un edifice de pierres finement tailles, une dentelle de basalte que le soleil vient reproduire en ombre sur le sol. De la partent les bateaux decores des touristes qui veulent visiter l’Ile Elephanta. C’est le commencement. Il y a aussi, quelques kilometres plus loin, un front de mer derriere le quartier des blanchisseurs ou les enfants jouent avec des chiens errants parmi les detritus. La ville a repousse les maisons delabres jusqu’a cet endroit tout pres de l’eau dont l’odeur pourrait laisser croire qu’une vingtaine de cadavres y ont ete abandonnes a la putrefaction. Mais ce n’est pas de la mort qu’emane cette senteur de fin du monde. C’est de la vie : de ces gros tuyaux d’egouts qui viennent vider tous ce que rejettent des milliers d’habitants chaque jour, et de cet amoncellement de dechets qui fait planner les rapaces. La fin.
Voila donc un joli cliche, que l’inde c’est le contraste, c’est le debut, c’est la fin, c’est l’odeur des fleurs et du safran, c’est celle de l’urine et de la crotte. Sans doute cette vision provient-elle d’une attente, d’une lecture preconsue. Pourtant je m’y sens bien. Je m’endors heureuse malgre ma peau toujours moite, l’odeur camphree du beaume du tigre vennant bercer mes songes. Des songes etranges a la verite. Depuis quelques jours je reve de la cour de recration du lycee, comme si c’etait le seul le lieu que mon inconscient parvenait a assimiler au joyeux bazar toujours un peu chaotique, toujours un peu organise, que l’on retrouve dans la rue, a la gare, et dans le pantheon des temples. Hier nous avons visite les grottes d’Ellora avec d’innombrables sculptures. Les dieux, nous assurait Lonely Planet, pouvaient meme y sortir des phallus. Une religion qui semble davantage prendre en compte l’homme dans sa totalite. On rencontre d’ailleurs quelques touristes zen comme ce rasta quarantenare hollandais qui m’a donne des conseils pour acheter des cartes postales a un marchand autiste, car, parait-il, elles sont difficiles a trouver en dehors des sites touristiques. Le soir, au restaurant, nous nous sommes joyeusement rendues compte qu’elles etaient pornographiques. Un objet de plus dans ma collection de curiosites, a moins que quelqu’un n’en veuille une… Laissez vos adresses dans les commentaires. Un emballage discret pourra etre garanti si vous le souhaitez! Faites confiance a l’UNESCO ai-je repete toute la journee a Shoko. Voila le resultat!